A voir ici.
Blog officiel de réflexion sur la loi portant interdiction de fumer dans les lieux publics. Réapropriez vous votre responsabilité en repensant enfin ce qui est une évidence aliénante, comme une responsabilité libératrice.
Les politiques de lutte antitabac se sont longtemps bornées à une logique de réduction des dommages. Dans les années 1970, on a cherché à diminuer la toxicité du tabac, en imposant aux cigarettiers des normes réduisant la nocivité de leurs produits.
Puis, on a cherché à baisser l'offre, en interdisant la vente aux mineurs, en augmentant les prix et en réglementant la cession de tabac. Ensuite, on a informé la population des dommages liés au tabac, avec des campagnes d'information et de prévention, et les avertissements de danger apposés sur les paquets de cigarettes. Toutes ces actions ont été faites dans l'intention de permettre à chaque citoyen de faire des choix éclairés, l'Etat faisant le pari que les consommateurs seraient responsables.
Dans les années 1990, a émergé la notion d'addiction. Le tabac a alors rejoint la liste des produits fortement addictogènes. C'est à ce moment que sont apparus les produits de substitution et les programmes d'aide au sevrage. Parallèlement, s'est développée l'idée que fumer était contraire à « la bonne santé » et qu'il valait « mieux vivre sans tabac ».
En quoi diffère la politique menée aujourd'hui ?
Aujourd'hui, nous sommes dans une autre position, développée à partir du concept de tabagisme passif. La détermination scientifique de l'existence de dommages chez les personnes côtoyant des consommateurs de tabac, relativement récente, a entraîné l'apparition d'une politique non plus seulement centrée sur le fumeur mais aussi sur son entourage. D'où l'interdiction de fumer dans les lieux publics pour protéger le non-fumeur. Cette politique est légitime dans le sens où elle assure la protection des citoyens, qui est une des fonctions régaliennes de l'Etat.
N'y a-t-il pas un risque de stigmatisation du fumeur ?
Tout le problème vient de la manière dont on pose l'interdiction d'un point de vue éthique. Cette mesure est inspirée des politiques anglo-saxonnes, qui correspondent à un idéal de la pureté, avec l'idée sous-jacente que le fumeur est une personne non responsable, susceptible de causer des dommages à autrui, une sorte de « criminel sanitaire ».
Je ne pense pas, cependant, que nous soyons arrivés à ces extrémités en France. L'interdiction ne vise pas à stigmatiser le fumeur, malgré les efforts de certains ayatollahs de la lutte antitabac. Elle veut s'inscrire dans une logique de politique citoyenne, en promouvant la notion de respect d'autrui.
Ne plus fumer dans les lieux publics ne serait plus seulement cesser de causer des dommages à autrui, mais aussi adopter une position de respect de l'autre, l'éducation à la santé rejoignant là l'éducation à la citoyenneté.
L'interdiction de fumer dans les lieux publics est-elle efficace pour lutter contre l'addiction au tabac ?
Certainement, car elle pose des obstacles à la rencontre entre le produit et le consommateur tout en travaillant sur les représentations négatives du produit. Elle induit ainsi une sorte de contrainte morale comportementale, qui peut conduire à l'arrêt du tabac. On a donc une plus grande chance d'observer une baisse de la consommation de tabac, même si une partie de la population continuera toujours de s'adonner à cette addiction. Sans compter que l'interdiction, perçue malgré tout comme une stigmatisation par un certain nombre de fumeurs, peut induire également des contre attitudes négatives.
Peut-on parler de retour d'une forme d'hygiénisme avec ce genre de mesure ?
Parler d'hygiénisme, c'est faire référence à une situation où un petit groupe de leaders imposerait des règles d'hygiène à autrui sans adhésion de la population. Ce n'est évidemment pas le cas aujourd'hui. Par contre, on peut parler effectivement de la construction d'une forme de conformisme comportemental, certes légitime et efficace, mais qui devra être analysé et pris en compte.
Propos recueillis par Cécile PrieurPfizer lance son nouveau médicament, sept mois après avoir cédé Nicorette à Johnson & Johnson.
par Jean-Marcel Bouguereau,
rédacteur en chef au Nouvel Observateur et éditorialiste à la République des Pyrénées, pour laquelle a été rédigé cet article