samedi 3 février 2007

Décret antitabac : quel impact pour la santé ?


arie Christine : Pourquoi continuer de vendre du tabac ? L'économie passe-t-elle avant la santé ?

Bertrand Dautzenberg : Non. Les taxes du tabac vont maintenant à plus de 85 % à l'assurance-maladie et les compagnies de tabac sont maintenant des compagnies privées qui sont soumises à la règle générale et dont on espère qu'elles limitent progressivement leur marché.

Françoise : Combien de temps est-il nécessaire pour oublier la cigarette ?

Bertrand Dautzenberg : Parfois, on n'oublie jamais. C'est le cas d'un tiers des fumeurs. Le plus souvent, il faut entre quinze jours et trois mois.

Marsinval : Quelles sont les études scientifiques qui démontrent la nocivité du tabagisme passif : a-t-on démontré une moindre espérance de vie des garcons de café non fumeurs par rapport à une population normale ? ou s'est-on borné à faire respirer de la fumée à des cobayes de laboratoire ?

Bertrand Dautzenberg : Les effets du tabagisme passif sont démontrés par des études cas/témoins. Ces études comparent parmi des personnes atteintes d'une maladie le niveau d'exposition qu'elles ont eu avant. On sait ainsi que le risque d'infarctus est augmenté de 25 % quand on est exposé au tabagisme passif. Il existe des études sur les maladies des garçons de café mais pas sur la mortalité. Il existe en revanche des études sur les employés de casinos en France montrant une diminution importante de l'espérance de vie. Même chez les non-fumeurs.

Alakazan : Si l'on veut sensibiliser les jeunes aux dangers du tabac, pourquoi autoriser à la vente les cigarettes colorées et parfumées soit au chocolat, à la vanille, à la framboise... ?
Bertrand Dautzenberg : Il n'y a pas de base juridique pour interdire ces cigarettes actuellement. Comme les Français ont voté "non" au référendum européen, il est très difficile de prendre des mesures sur la santé au niveau européen mais le ministre de la santé travaille actuellement avec ses collègues sur ce thème.

Nico : Ne pensez-vous pas que la détente que provoquent les anti-stress (tabac, alcool, sucre, etc.) soit nécessaire pour faire face aux stress divers de notre société? Si tel est le cas, ne craignez-vous pas un éventuel report du choix d'une drogue à une autre et du point de vue de la santé, ceci est-il bienfait ? Je pense notamment au fait que ces dernières années le pourcentage de jeunes qui fument est en diminution, mais que l'obésité et la consommation d'alcool chez les jeunes sont en augmentation.

Bertrand Dautzenberg : Chez les jeunes, on a la preuve que la diminution du tabagisme s'accompagne de la diminution de la consommation de cannabis et de celle de l'alcool. Prévenir une addiction ne pousse pas à d'autres addictions mais bien au contraire à prévenir les autres addictions. Il est vrai que la nicotine a un lien avec la dépression mais on ne sait pas si c'est la poule qui fait l'œuf ou l'œuf qui fait la poule.

Carlaty de Trinity : Qu'attendez-vous dans l'avenir de la société ? Est ce-que les gens vont s'arrêter de fumer complètement et est-ce que ça veut dire que moins de gens commenceront à fumer ?

Bertrand Dautzenberg : L'exemple irlandais et italien nous montre que l'interdiction de fumer dans les lieux publics s'accompagne d'une diminution de 6 à 8 % de la consommation du tabac. Mais, bien entendu, la mesure a pour objectif principal la protection des non-fumeurs.

Flo : Peut-on réellement établir des statistiques en matière de santé ?

Bertrand Dautzenberg : Oui. On a la preuve que le tabac provoque des maladies, que l'arrêt du tabac fait diminuer l'incidence de ces maladies. Par exemple, trois fois moins de cancers chez l'homme en Angleterre en vingt ans avec la diminution du tabagisme. On a également la preuve que le tabagisme passif tue et que l'arrêt du tabagisme passif s'accompagne d'une diminution de la mortalité.

Flo : Mais tout interdire rendra-t-il la santé des Français meilleure ? Je ne le pense pas.

Bertrand Dautzenberg : Il ne s'agit pas d'interdire mais d'autoriser les gens à respirer un air pur. Dans un local où il y a une ou deux cigarettes fumées, on dépasse l'alerte à la pollution des rues. Vivre sans tabac est la nature de l'homme. C'est l'industrie du tabac qui a chimiquement modifié le cerveau des adolescents en y créant, par la nicotine introduite, un centre de dépendance qui après, toute la vie, va déterminer le comportement du fumeur aliéné par cette modification chimique du cerveau. Ne pas fumer, c'est être plus libre.

Arana : Je suis frappée par la montée d'intégrisme et d'intolérance face aux fumeurs. Je suis moins même non fumeuse et je trouve qu'il y a dans les prises de position des pouvoirs publics, comme dans celles de beaucoup de non-fumeurs, une attitude très moralisante. C'est vrai qu'il est assez facile d'être d'accord : qui oserait soutenir que la fumée est un bien ? Et le stress, la pollution sonore, celle causée par les 4 X 4 et les voitures en général... Alors cette manière culpabilisante de faire porter la responsabilité de notre échec au bonheur aux fumeurs me laisse songeuse. Pas vous ?

Bertrand Dautzenberg : Les mesures prises ne sont pas des mesures contre les fumeurs ni contre les 4 x 4 mais contre le fait de fumer dans certaines circonstances. La moitié des fumeurs sont d'accord avec cette interdiction. En France, 85 % des fumeurs déclarent vouloir s'arrêter de fumer. Et le feraient probablement s'ils n'étaient pas aliénés par leur dépendance.

Lavenexian : Je n'ai pas tout lu mais je ne comprends pas la différence entre cette loi et la loi Evin qui, elle aussi, interdisait de fumer dans les lieux publics !...

Bertrand Dautzenberg : Le décret Bertrand s'appuie sur la loi Evin et n'est qu'une modification de son décret d'application. Le premier décret d'application était confus, peu clair, et laissait des zones d'ombre. Dans une société française non prête à l'interdiction. Actuellement, ce décret ne fait que prendre acte de la situation majoritaire en France.

Pierre : Finalement, il est meilleur pour nous de marcher dans des émanations d'animaux domestiques, de transports en commun, des pollutions automobiles, de piétiner des chewing-gums pourris...C'est très écologique, je continue à fumer, mais j'ai réduit ma consommation d'électricité de 25 % en cinq ans ! (10 centrales nucléaires en moins). Je n'ai pas de chien, pas de 4 X 4, je ne mange pas de chewing-gum... Quelles solutions proposez-vous pour éliminer la circulation automobile, la consommation de chewing-gum, la possession de chiens ou de chats, de vélomoteurs 130 dB... qui constituent des nuisances insupportables dans la vie quotidienne ?

Bertrand Dautzenberg : Le tabac est une nuisance colossale. Le tabagisme a fait 100 millions de morts au XXe siècle. Les pollutions des boîtes de nuit enfumées sont 20 fois supérieures à celles de la place de la Concorde. On peut ajouter que les chats et les chiens sont victimes du tabagisme passif. Il y a trois fois plus de cancers chez les chats de fumeurs que de non-fumeurs. En fumant dans un 4 x 4, on se pollue infiniment plus que la circulation automobile : deux heures dans les encombrements = une cigarette.

Asdf : Que restera-t-il aux fumeurs quand ils ne pourront plus fumer après le 1er janvier 2008 ?

Bertrand Dautzenberg : Le bonheur d'être non fumeurs ! Le bonheur d'être libérés d'une addiction, de pouvoir garder 5 euros par jour pour partir à deux aux Seychelles à la fin de l'année.

Flo : Le débat aujourd'hui concerne le tabagisme, mais demain ce sera l'alcool puis la mauvaise alimentation, le manque de sport, la conduite trop rapide, que ferons-nous quand nous serons 90 millions de Français ayant une espérance de vie supérieure à 100 ans ?

Bertrand Dautzenberg : Il est vrai que le tabac tue et rend dépendant plus précocément. L'industrie du tabac fait valoir à la République tchèque tout l'avantage de voir mourir les fumeurs à 61 ans pour le régime des retraites. On peut aussi proposer de tuer tous les bébés à la naissance, cela ferait des économies de santé. Vivre sans tabac, c'est vivre plus vieux mais en bonne santé.

Pedro : Comment l'industrie du tabac s'adapte à ces mesures contraignantes ? Est-elle sinistrée dans les pays riches ?
Bertrand Dautzenberg : Les revenus des compagnies de tabac sont supérieurs à ceux de 111 des Etats de la planète. Les revenus de l'industrie du tabac n'ont jamais été aussi élevés qu'en 2006 grâce aux ventes de cigarettes dans les pays du Sud. En France, elle essaie de faire des campagnes bidons pour dire aux jeunes de ne pas fumer. Elle mène également des campagnes pour faire croire que l'interdiction de fumer s'accompagnera d'une baisse de 30 % des revenus des bars et restaurants. Ce chiffre de 30 % revient dans tous les pays du monde et le communiqué est prêt pour février 2008 pour la France.

Abdou : Quelle est l'importance de l'industrie du tabac face aux problèmes de santé liés à la cigarette ?
Bertrand Dautzenberg :
L'industrie du tabac écrit dans ses documents à terme que son métier est de vendre une drogue : la nicotine. Elle écrit également que pour préserver ce marché il est important de rendre les jeunes dépendants car ce sont les clients de demain. Elle manipule également les données scientifiques payant certains chercheurs pour désinformer sur les méfaits du tabac.

Pedro : En gros, ce que vous dites, c'est que la cigarette est l'un des pires polluants, c'est bien ça ? Si cela l'est, pourquoi l'Etat a laissé l'industrie prospérer et laisse encore ce produit nocif courir les rues ?

Bertrand Dautzenberg : La fumée du tabac est le principal polluant à l'intérieur des maisons. En 1991, au moment de la loi Evin, les connaissances que l'on avait sur le tabagisme passif étaient encore incomplètes. Les données sur les effets du tabagisme passif ne sont robustes que depuis une quinzaine d'années. Les bénéfices en terme de santé publique de l'arrêt de l'exposition du tabagisme passif ne sont bien démontrés que depuis trois ou quatre ans. C'est donc l'émergence des données scientifiques qui a conduit le gouvernement à réagir... peut-être avec quelques mois de retard.

Nicolas C. : Le bonheur d'être non fumeur dites-vous. J'ai connu ça pendant deux ans et je suis bien plus heureux aujourd'hui que j'ai repris la cigarette. Avez-vous calculé les dégâts sur la santé psychologique commis par les excès de l'antitabagisme ?

Bertrand Dautzenberg : Il peut y avoir des inconvénients à arrêter de fumer en particulier chez certains déprimés, mais il y a majoritairement des avantages à arrêter de fumer. Même dans les services de psychiatrie, l'interdiction totale de fumer s'accompagne d'une diminution de l'utilisation des neuroleptiques et une diminution des bagarres et conflits. On ne peut pas faire de généralités mais le bénéfice sur la santé psychique est globalement établi.

Abdou : Ne pensez-vous pas qu'il faut maintenant s'attaquer à l'alcool ?
Bertrand Dautzenberg : 90 % de la consommation de cigarettes est le fait de sujets dépendants qui consomment par dépendance et non pas par plaisir. 80 % de l'alcool est consommés par des sujets non dépendants. On a grand espoir d'arriver à une consommation raisonnée d'alcool. Le problème actuel de l'alcool, en particulier chez les jeunes, est celui de la "culture de la cuite" promue par les alcooliers.

Pedro : Est-ce que les jeunes fument toujours autant ou constatez-vous aussi une baisse ?
Bertrand Dautzenberg : Les jeunes ont beaucoup diminué leur consommation en 2003-2004 avec l'augmentation du prix du tabac, la disparition des paquets de dix mais surtout les campagnes montrant que la fumée du tabac est un polluant. Depuis 2005, la consommation est stable voire en légère croissance, soulignant la nécessité d'une nouvelle campagne.

Atijp : Chacun est libre de faire et d'utiliser son argent comme bon lui semble... Non ?
Bertrand Dautzenberg : Le nouveau décret ne vous interdit pas d'acheter vos cigarettes et de fumer. Il réglemente seulement les endroits où vous pouvez fumer afin de ne pas polluer les autres. Ce n'est pas un texte antifumeurs, c'est un texte antifumée dans les lieux clos.

James : La cigarette va donc devenir un "privilège" des pays pauvres et surpeuplés, car les pays riches prennent des mesures pour en limiter l'usage ?
Bertrand Dautzenberg : C'est le fait de toutes les pollutions. Les pays industrialisés se défendent contre ces agressions par les pollutions mais malheureusement envoient leurs industriels et leurs marchands polluer les pays du Sud. La cigarette ne fait pas exception. Malheureusement !

tommy : Que pensez-vous sur le plan éthique de cette (nouvelle) restriction ?

Bertrand Dautzenberg : Ce décret n'est pas une restriction, c'est l'ouverture d'un nouveau droit. Le droit de respirer de l'air pur dans les locaux.

Antony : Mais avec la contrebande et les achats de cigarettes à l'étranger, est-ce que les statistiques ne sont pas faussées ?

Bertrand Dautzenberg : La contrebande reste marginale en France. Les achats transfrontaliers ne sont pas nuls et soulignent la nécessité d'une politique européenne homogène. On a vu avec l'augmentation du prix du tabac en Allemagne disparaître, par exemple, les achats transfrontaliers de l'Alsace et de Lorraine. Mais le Luxembourg, Andorre et l'Espagne posent toujours problème...

Antony : Quels vont être à votre avis les problèmes rencontrés après avoir arrêté de fumer ?

Bertrand Dautzenberg : Lors de l'arrêt du tabac, il peut y avoir quelques problèmes. Il est bon d'en parler ou de consulter son pharmacien, son médecin, voire d'appeler le numéro de téléphone indiqué sur les paquets de cigarettes. Mais une fois qu'on a arrêté, il n'y a que des bénéfices.

Nicolas C. : L'Angleterre du XIXe siècle a lutté contre la drogue de manière bien plus humaine que ce qu'on voit aujourd'hui à l'égard du tabac. Elle a laissé les dépendants continuer à se droguer jusqu'à la fin de leur vie. L'interdiction ne frappait que la vente aux nouveaux clients. Pourquoi ne pas ménager aujourd'hui les vieux dépendants ?

Bertrand Dautzenberg : Les vieux dépendants peuvent fumer chez eux, dehors et peuvent prendre de la nicotine sous forme de substituts quand ils sont dans les locaux non fumeurs. Les substituts nicotiniques ont été inventés à la demande de l'armée suédoise pour les sous-mariniers afin de leur permettre de ne pas être en manque quand ils sont en plongée. Depuis ce matin, vous pouvez les utiliser de la même façon pour aller travailler sans fumer. Des cigarettes avant d'entrer au travail, des gommes dans la journée et retour aux cigarettes le soir.

Chat modéré par Gaïdz Minassian

vendredi 2 février 2007

A ma dernière cigarette

Par Jean-Louis Fournier, écrivain

Il va falloir se quitter. A partir d’aujourd’hui, il ne faut plus qu’on nous voie ensemble dans les lieux publics. On pourra toujours se voir en douce, mais combien de temps encore ? Bientôt on devra se quitter définitivement. Parce que fumer tue, turlu tue tue.

Ce sont les savants qui le disent. Quand on sait que l’armée distribuait aux poilus de la guerre
de 14-18 des rations quotidiennes de tabac, on comprend maintenant pourquoi les cimetières militaires sont si grands. L’anti–fumeur a déclaré à son petit garçon que dans les cimetières, il n’y a que des fumeurs. La cigarette est dangereuse, a déclaré l’anti-fumeur, surtout quand on la fume du mauvais côté, le bout allumé dans la bouche. L’anti-fumeur prétend que la nicotine rend bête, pourtant il ne fume pas.

Fumer tue, turlu tue tue, c’est écrit dans les débits de tabac. A côté de mon débit de tabac , il y a un armurier. Je regarde sa vitrine, il a des armes anciennes, des fusils, des révolvers, des cartouches, tout ce qui tue. Pourquoi ici, il n’est pas marqué “tue”, comme sur ma cartouche de cigarettes ?

Fumer tue, turlu tue tue. Un désespéré qui souhaitait se supprimer a acheté une cartouche de cigarettes portant la mention : “Fumer tue.” Il les a fumées toutes, il n’est pas mort. Il va attaquer la Régie des tabacs pour publicité mensongère.

Tout est bien. On va pouvoir à nouveau sortir nos enfants sans risquer de croiser un fumeur
exhibitionniste qui se promène la cigarette à l’air. Et demain, on pourra respirer à nouveau. Le ministre de l’Intérieur va refuser le droit d’asile aux étrangers qui fument. Demain, les carottes des débits de tabac vont être remplacées par des têtes de mort, rouges. Demain, un fabricant de cercueils va proposer des fumoirs individuels. Ils reprendront la forme du cercueil, et seront équipés d’un système de ventilation et d’un éclairage intérieur. Demain, on pourra dénoncer les fumeurs. Une boîte aux lettres discrète sera à votre disposition dans toutes les mairies.

Après la Journée sans tabac, le gouvernement prévoit la Journée sans alcool, la journée sans sucre, la Journée sans graisse. En attendant la journée sans rien. Demain, on va tous être en bonne santé. A force de vouloir nous empêcher de mourir, on va finir par nous enlever le goût de vivre. Adieu cibiche.

jeudi 1 février 2007

Un blog pour réfléchir

Sur le conseil d'un ami calé en matière de blog, j'ouvre aujourd'hui un nouvel espace de réflexion.

J'ai effectivement posté sur mon blog perso de nombreux messages relatifs à l'interdiction de la cigarette dans les lieux publics.

Certains ont même été repris par des journaux en lignes.

J'ouvre ce Blog, non pas pour m'opposer à cette interdiction:
Empêcher les gens de tuer ou de se tuer ne peut pas faire l'objet d'un débat. C'est un piège rhétorique.

Si j'ouvre cet espace, c'est pour réfléchir à ce que signifie une telle interdiction, ce qu'elle cache, ce qu'elle annonce pour notre société, pour notre avenir.

A vos plumes.