Celui sur la cigarette s'ajoute donc.
C'est exactement ces raisons qui motivent mon blog.
Merci à lui, donc !
D'ALAIN-GÉRARD SLAMA.
Le Figaro le 02 février 2007
Quand fumer devient un délit
Qu'il faille lutter contre l'abus du tabac, c'est l'évidence. Cet abus a brisé assez de bonheurs et de destins. Qu'il faille lutter contre le simple usage du tabac chez les jeunes n'est pas moins nécessaire. C'est beaucoup plus discutable en ce qui concerne les adultes, sauf à considérer ceux-ci comme des mineurs. La principale difficulté vient du «tabagisme passif», dont les méfaits sont démontrés chez le nourrisson, l'enfant et l'adolescent, et qui peut provoquer des troubles cardiaques et respiratoires chez les adultes en cas d'exposition régulière et prolongée.
Bien que difficiles à distinguer des effets des pollutions ordinaires, ces données doivent être prises en compte. Elles l'ont été, il y a quinze ans, par les lois Evin. Or voici que, sous la pression des associations des droits des non-fumeurs, ces lois viennent d'être jugées insuffisantes. Le gouvernement s'est laissé entraîner à un nouveau texte d'interdiction aggravée, tandis que les fumeurs font l'objet, dans les médias, d'une campagne de propagande d'un infantilisme affligeant. Bien entendu, le décret du 16 novembre 2006 entré en vigueur depuis le 1er février n'a pas tout faux. L'interdiction de fumer dans les moyens de transport collectif se justifie dans les cabines et les wagons, beaucoup moins dans les gares. La proscription du tabac dans les cours de récréation et les lieux d'hébergement des mineurs aurait dû intervenir depuis longtemps. Mais le premier alinéa du décret, interdisant de fumer «dans tous les lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail», étend de façon abusive des contraintes qui, admissibles dans l'espace public où l'Etat doit donner l'exemple, ne le sont pas dans l'espace privé. Il aurait été normal que les dirigeants des entreprises, restaurants, cafés ou hôtels soient invités à négocier des accords avec leur personnel, sous le contrôle des inspecteurs du travail. A défaut, l'interdiction générale, sous réserve de l'installation de locaux d'une étanchéité draconienne, aura pour effet d'écarter de l'embauche ceux qui auront l'imprudence d'avouer que la cigarette fait partie des aménités de leur vie.
Bref, fumer est devenu un délit. Loin de constituer un progrès, le nouveau texte consacre une succession d'échecs : échec de l'éducateur, du médecin ; échec du législateur entraîné dans une fuite en avant. La vigilance des règles préventives, destinées à encadrer un ordre sans conflit, ne laisse plus la moindre place à l'apprentissage des codes de civilité. L'exercice de la liberté doit s'arrêter là où il nuit à autrui, mais la vie en commun exige aussi de chacun qu'il consente à payer sa part de la liberté des autres. Apparemment, aux yeux du plus grand nombre, la liberté ne vaut plus un sou, et l'argument du coût de la Sécurité sociale, qui pourrait être corrigé par l'assurance, est devenu dirimant.
Avec pour idéal zéro risque, zéro tolérance et zéro responsabilité, les idéologues du droit opposable à l'air pur nous préparent un monde irrespirable.
Quand fumer devient un délit
Qu'il faille lutter contre l'abus du tabac, c'est l'évidence. Cet abus a brisé assez de bonheurs et de destins. Qu'il faille lutter contre le simple usage du tabac chez les jeunes n'est pas moins nécessaire. C'est beaucoup plus discutable en ce qui concerne les adultes, sauf à considérer ceux-ci comme des mineurs. La principale difficulté vient du «tabagisme passif», dont les méfaits sont démontrés chez le nourrisson, l'enfant et l'adolescent, et qui peut provoquer des troubles cardiaques et respiratoires chez les adultes en cas d'exposition régulière et prolongée.
Bien que difficiles à distinguer des effets des pollutions ordinaires, ces données doivent être prises en compte. Elles l'ont été, il y a quinze ans, par les lois Evin. Or voici que, sous la pression des associations des droits des non-fumeurs, ces lois viennent d'être jugées insuffisantes. Le gouvernement s'est laissé entraîner à un nouveau texte d'interdiction aggravée, tandis que les fumeurs font l'objet, dans les médias, d'une campagne de propagande d'un infantilisme affligeant. Bien entendu, le décret du 16 novembre 2006 entré en vigueur depuis le 1er février n'a pas tout faux. L'interdiction de fumer dans les moyens de transport collectif se justifie dans les cabines et les wagons, beaucoup moins dans les gares. La proscription du tabac dans les cours de récréation et les lieux d'hébergement des mineurs aurait dû intervenir depuis longtemps. Mais le premier alinéa du décret, interdisant de fumer «dans tous les lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail», étend de façon abusive des contraintes qui, admissibles dans l'espace public où l'Etat doit donner l'exemple, ne le sont pas dans l'espace privé. Il aurait été normal que les dirigeants des entreprises, restaurants, cafés ou hôtels soient invités à négocier des accords avec leur personnel, sous le contrôle des inspecteurs du travail. A défaut, l'interdiction générale, sous réserve de l'installation de locaux d'une étanchéité draconienne, aura pour effet d'écarter de l'embauche ceux qui auront l'imprudence d'avouer que la cigarette fait partie des aménités de leur vie.
Bref, fumer est devenu un délit. Loin de constituer un progrès, le nouveau texte consacre une succession d'échecs : échec de l'éducateur, du médecin ; échec du législateur entraîné dans une fuite en avant. La vigilance des règles préventives, destinées à encadrer un ordre sans conflit, ne laisse plus la moindre place à l'apprentissage des codes de civilité. L'exercice de la liberté doit s'arrêter là où il nuit à autrui, mais la vie en commun exige aussi de chacun qu'il consente à payer sa part de la liberté des autres. Apparemment, aux yeux du plus grand nombre, la liberté ne vaut plus un sou, et l'argument du coût de la Sécurité sociale, qui pourrait être corrigé par l'assurance, est devenu dirimant.
Avec pour idéal zéro risque, zéro tolérance et zéro responsabilité, les idéologues du droit opposable à l'air pur nous préparent un monde irrespirable.